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Sonatine

pour piano

vendredi 22 février 2019, par Valentin.

Rédigée à l’été 2014, cette petite sonatine en deux mouvements esquisse ce qui aurait pu devenir ma deuxième sonate pour piano.

Après avoir mis près de trois ans à rédiger ma première sonate pour piano en trois mouvements, je fis l’acquisition d’un cahier (mauve) de seulement trente-deux pages, avec l’intention d’écrire immédiatement une nouvelle sonate très différente, plus spontanée et légère, qui serait constituée de cinq mouvements brefs, de deux minutes chacun.
… La suite n’est que trop prévisible : après des mois de réflexion et d’atermoiements, je ne parvins à en terminer que deux ; après plusieurs années de procrastination tout aussi infructueuse, je pris le parti de les publier tels quels, sous forme d’une petite sonatine en deux mouvements. Voici cette partition, qui n’a évidemment pas été créée à ce jour.

Sonatine pour piano
V. Villenave, 2014 — Licence Art Libre

Historique et description

[Cliquez pour déplier.]

À l’été 2014, alors que les activités de l’Oumupo battaient leur plein et que j’avais multiplié depuis quelques années les expériences formelles d’écriture musicale sous contrainte, je fus saisi (pour la n-ième fois) de ce mouvement de retour de balancier dont je ne suis que trop familier : et si toutes ces recherches et explorations (ou toutes ces pitreries, pour le dire moins charitablement) n’étaient qu’une façon trop facile de me dissimuler et de fuir, d’éviter de regarder en face le fait que, fondamentalement, je n’ai jamais eu grand-chose d’intéressant à dire ? Je me mis donc en devoir d’écarter cette trop grande facilité pour essayer de chercher une pensée musicale plus sincère, plus concise, plus profonde et plus authentique. (Je ne doute pas qu’il existe des personnes pour qui, au contraire, s’exprimer spontanément est plus facile, la difficulté résidant au contraire dans la démarche de mise en forme et d’adoption d’un cadre rigoureux ; à chacun sa torture, j’imagine.)

Bref, attention attention, on allait maintenant faire de la Musique avec un grand M, tendre vers une Vérité avec un grand V,… et évidemment ça ne pouvait déboucher que sur un magistral Bide avec un grand B. Ce qu’il advint précisément.

Je me souviens en particulier d’avoir passé plusieurs heures, par un après-midi de juillet, à observer gravement les déplacements d’une mouche dans la pièce où je me trouvais : parfois quasi circulaires, souvent obsessionnels, et cependant jamais prévisibles. Une trace de vie, infime et circonscrite (je lui avais à plusieurs reprises donné la possibilité de sortir par la fenêtre, et elle avait à chaque fois décliné mon invitation), et pourtant fascinante et échappant à ma compréhension. Je rêvais d’écrire une musique aussi pure que l’étaient les mouvements de cette mouche — car enfin, la mouche a bien une logique à elle, certainement ?

Il en résulta le mouvement que je choisis d’intituler « carillon », parce qu’il se joue en résonnance et toujours autour des mêmes hauteurs — ce qui ne manqua pas de faire soupirer, par la suite, un collègue authentiquement campanologue qui me fit sèchement remarquer qu’un _vrai_ carillon ne se joue qu’avec un nombre limité de cloches, le plus souvent sur un tétracorde. Ce mouvement est constitué principalement d’intervalles objectivement dissonnants (septièmes majeures et octaves augmentées), et pourtant il me semble qu’on peut le jouer avec douceur et peut-être même tendresse, comme une espèce de boîte à musique un peu dérangée. Il n’y a pas de structure fixe (même si j’ai dû pour cela me faire violence), mais on peut entendre assez clairement des phrases et quelques modulations progressives.

À peu près à la même époque, je fis une autre découverte marquante : le manuscrit inachevé de la Dixième Sonate pour piano de Serge Prokofiev, dont ce dernier ne parvint à rédiger que deux pages à la toute fin de sa vie, en 1952-1953. Je vais ici non seulement commettre délibérément un acte délictueux, mais vous en rendre vous-même de fait complice, en reproduisant ici le document en question :

Serge Prokofiev, ébauche de la Sonate n°10 op.137

Pendant plusieurs décennies l’on n’a connu que la première de ces deux pages, et c’est pourtant la deuxième qui recèle des suprises étonnantes, et deux lignes exceptionnellement réussies. (J’ai d’ailleurs persisté dans ma violation éhontée des lois en vigueur, en éditant ce fragment par mes soins et en le postant sur IMSLP.) En fait, il ne s’agit toutefois pas d’une découverte totale, puisque Prokofiev avait souhaité adapter (comme il le fit également, à la même époque, de sa Sonate n°5 op.38/op.135) une œuvre antérieure : sa sonatine pour piano op.54 n°1. (C’est ce qui contribua, quelques années plus tard, à me convaincre de publier ces deux mouvements sous forme de sonatine ; comme pour m’inciter à croire qu’un jour je serais peut-être capable, à mon tour, d’en faire une véritable sonate.)

Marqué par le parcours très romanesque de cette partition, je fus tenté d’en écrire une sorte de pastiche : en ne conservant du texte que son chiffre de mesure, son indication de tempo (Allegro moderato) et sa première note, je me lançai dans une sorte de prélude, ou d’ouverture, au ton un peu déclamatoire ou élégiaque (en commençant, comme toujours, par le motif mi-fa, qui se poursuit naturellement par des intervalles croissants d’un demi-ton, selon le procédé que j’ai parfois qualifié de pseudo-spectre).

Là encore, je dus faire des efforts constants pour résister à la tentation de chercher des structures algorithmiques ou autres contraintes formelles ; c’était peu de temps après l’écriture de ma sonate pour flûte, dont l’écriture labyrinthique (surtout dans le troisième mouvement) est finalement assez perceptible ici — ce qui tendrait à montrer que mon idéal d’une écriture pleinement spontanée et expressive a été complètement manqué.

Ou bien, peut-être que la vision d’un labyrinthe était finalement la seule chose que j’avais à exprimer.

À bien y réfléchir, je ne sais laquelle des deux hypothèses serait la moins déprimante.

Bonne lecture !
Valentin.

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