Samedi soir. Mise à jour : cet opéra est merdique.
Aujourd’hui était le jour de l’italienne avec orchestre. C’est-à-dire la toute première fois où les chanteurs, après avoir travaillé plusieurs semaines accompagnés seulement d’un piano, ont l’occasion d’entendre l’orchestre qui va les accompagner lors des représentations.
Et tant qu’on y est, une répétition dite « italienne », c’est une répétition où l’on fait tout, sauf les gestes de la mise en scène : les chanteurs restent debout (ou assis), avec leur partition à la main. Ce sont donc des conditions idéales de concentration, et ça n’est pas du luxe, tant il est déstabilisant de se retrouver face à la richesse de l’orchestre lorsque l’on est habitué à une partie de piano jouée avec plus de clarté... et de tolérance : il est infiniment plus facile à un pianiste seul de rattraper un petit décalage rythmique qu’à tout un orchestre !
Donc, les chanteurs sur scène avec leur texte, l’orchestre dans la fosse, et le chef entre les deux, qui tente de faire le lien. Quel que soit le degré de complexité de la musique et le talent du chef, la partie est tout sauf gagnée d’avance. Cela requiert un sang-froid à toute épreuve, ainsi qu’un certain sens des priorités — la première d’entre elles : toujours avancer et aller jusqu’au bout de l’ouvrage, façon bulldozer, même si certains décrochent en route.
Je me faisais une joie, après mes émerveillements de l’autre jour, d’assister à ce moment que je m’imaginais privilégié, de la rencontre des chanteurs avec « leur » orchestre. Peut-être aurais-je mieux fait d’aller plutôt au cinéma, puis de revenir compter les morts et ramasser les blessés.
Premier point : c’est une galère innommable pour tout le monde. Les chanteurs ont perdu tous leurs repères rythmiques, les musiciens ne gardent qu’un vague souvenir de la seule et unique lecture qu’ils ont faite de la partition, tout le monde rame et fait savoir son mécontentement.
Deuxième point : tout d’un coup, on n’entend plus les chanteurs. Le déséquilibre est énorme, et c’est tout juste si de temps à autre on distingue quelques notes qui surnagent au-dessus de la mélée. Quant à comprendre vaguement le texte prononcé, n’y pensez même plus.
Enfin, troisième point : mais QU’EST-CE QUE C’EST MOCHE !!! Fini les émois d’avant-hier ; aujourd’hui a été une épreuve pour moi encore plus que pour tout les autres. Les déséquilibres sonores y sont certes pour beaucoup, mais plein de détails viennent aggraver l’ensemble. Les instrumentistes ne jouent pas assez, ou pas assez bien (quand ils jouent, ce qui ne va déjà pas de soi) ; les chanteurs semblent avoir perdu toute vélléité d’articuler, de choper la note exacte, et de rester en mesure ; le chef donne libre cours à sa propension à jouer tout trop vite et trop fort...
Ce soir, j’en veux à tout le monde. J’en veux aux chanteurs, j’en veux aux clarinettes, j’en veux aux altos, j’en veux aux violoncelles. J’en veux au chef. Et plus que tout, j’en veux à moi-même. Il y a des erreurs dans cette partition, de nombreux endroits qui ne fonctionnent pas, qui ne fonctionnaient déjà pas lorsque je les entendais dans ma tête, et qui maintenant sont encore pires en vrai.
C’est comme un paquebot qui part à la dérive, parce que la carte de navigation que je lui ai donné contient des imprécisions ou quelques coups de crayon malheureux. J’assiste au naufrage, impuissant et plus seul que jamais ; j’ai passé l’après-midi à prendre des notes rageuses dans mon cahier, qui ne serviront de rien à personne.
Et je ne peux m’empêcher de ressentir comme une injustice le fait que personne n’ait le bon sens et le bon goût de dire « cet opéra est merdique, mais tâchons d’y remédier ».
Valentin
Messages
25 janvier 2009, 19:52, par June
Déprime pas ! Mange un peu de chocolat !
26 janvier 2009, 08:27, par Valentin Villenave
J’en ai plus, j’ai tout donné à mon librettiste...
26 janvier 2009, 00:43, par lewis
Heureusement, le livret est TROP-MOR-TEL !!!
26 janvier 2009, 08:26, par Valentin Villenave
Ça dépend... « mortel » comme dans « un ennui mortel » ?
26 janvier 2009, 09:58, par mamaloubr
Non, comme dans « top-mortel » (warf)
26 janvier 2009, 18:47, par moi
Pourquoi t’affoles-tu ? Ca me parait un peu normal, ton paquebot ne peut pas couler pour la bonne raison que selon moi il n’est pas encore à l’eau. Ce sont des essais d’une coque sur laquelle les installations des « super structures » ne font que commencer ! Allez suis les conseils de June, c’est anti dépressif et moi je crois à ton bateau ! Moi.
26 janvier 2009, 22:29
Hello Valentin, un orchestre et des chanteurs qui interprètent pour la première fois ensemble une musique que tu n’as jamais entendue que dans ta tête, ça s’appelle un crash test ! Et si ça avait marché du premier coup, ça se serait appelé un miracle ? Comment va ton paquebot aujourd’hui ? Françoise
29 janvier 2009, 20:05
Vous avez plagié le ’grand cadavre à la renverse’ avec votre grand paquebot à la dérive, c’est scandaleux
copyright : mary