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6 - Ma vie est passionnante (II) : les débuts de l’écriture

mardi 27 janvier 2009, par Valentin.

Vendredi 23 janvier, soir. Même hôtel, un peu cow-boy, pas de rideaux aux fenêtres, pas de wifi. Mais j’en suis à un stade où même l’obséquiosité d’un réceptionniste me semble une marque d’affection inespérée.

La fatigue commence à se faire connaître. J’ai encore passé la matinée à courir d’une salle de répétition à l’autre, jusqu’à ce que vers 14 heures je me retrouve cloué dans un fauteuil sans la moindre volonté de me lever. Les chanteurs travaillent d’un côté, pendant que les machinistes s’arrachent les cheveux, et que l’orchestre travaille à un bon kilomètre de là. Une des sopranos est tombée malade (rien d’imprévisible ni d’irrémédiable). Le chef perd lentement patience, de même que le metteur en scène.

Tout à l’heure, j’ai vu passer Jean-Michel (un baryton jovial qui s’occupe des actions pédagogiques en milieu scolaire). « Tu vas où ? — Au lycée Joffre, rencontrer des secondes et des premières. — Je peux venir ? — Fonce Alphonse. »

Je n’avais pas remis les pieds dans une salle de classe depuis qu’on m’a lourdé du lycée Fénelon il y a sept ans. Mon premier sentiment a été le même qu’à l’époque : une aversion prononcée où se mêlait la peur, le dégoût et la rage. Oh, que je hais l’enseignement de masse. Bref. Les élèves étaient très vifs d’esprit et sympathiques (leur prof de musique, peut-être un peu moins), et nous avons très vite pu commencer à nous poser des questions intéressantes, que je vais tenter de résumer ici.

Écrire un opéra, c’est raconter une histoire. Avant même qu’il y ait un livret, l’auteur est en mesure de s’imaginer des personnages, des évènements, des lieux et des situations, des ambiances et une structure générale. Tout cela influera sur le texte autant que sur la musique.

Lorsque Lewis Trondheim et moi-même avons commencé à concevoir ce projet, nous pouvions nous fonder sur un ouvrage déjà existant, mais nous disposions aussi d’une grande liberté pour en faire ce que nous voulions. Dès le début s’instaura un vrai dialogue entre nous, exclusivement par e-mail, qui nous permit de comprendre chacun la logique de l’autre : lui était mû par des idées narratives (faire avancer l’histoire, glisser des gags), et moi par des soucis acoustiques, rythmiques et scéniques.

Le premier choix délicat fut de choisir quels personnages nous voulions garder, et quelle serait la structure de l’ouvrage (je vous en parlerai plus en détail demain). Pour ma part, j’étais habitué à accompagner des opéras de chambre sans aucun budget : je fixai donc des limites (la durée n’excèderait pas une heure et quart, le décor et les costumes seraient minimalistes, l’œuvre serait accompagnée principalement au piano, avec peut-être un deux instruments en plus, etc). Chacun des rôles chantés était destiné à un de mes amis chanteurs, non seulement du point de vue vocal, mais aussi du physique, de la présence scénique, etc.

Nous avons travaillé exclusivement par mail, chaque tableau donnant lieu une espèce de ping-pong entre le librettiste et moi-même. Je ne lui avais pas dit que je n’avais ni ordinateur ni connexion Internet, et j’étais contraint de squatter chez ma mère pour correspondre avec lui. Je décrirai plus tard en détail les spécificités de l’écriture d’un livret d’opéra, mais je dois dire que Lewis a assez vite chopé le « truc » ; dès le début il s’était mis en tête de faire des pseudos-rimes (assez pourries d’ailleurs, mais ce sont les meilleures). En général, je repassais derrière pour régler la longueur des répliques, la qualité vocale des voyelles, et le rythme des scènes en particulier l’échelonnement des gags). J’en reparlerai, promis.

Bref, voilà ce que j’ai expliqué à cette classe de lycéens. Puis on s’est mis au boulot : je leur ai demandé des bouts de phrases à mettre en musique. En général, à ce moment un grand silence gênant s’installe, mais là non : tout de suite ont fusé toutes les bêtises qui leur passaient par la tête, et nous nous sommes donc mis à élaborer un air d’opéra sur « J’aime le Nutella » et « Le Riz, c’est bon ». Jean-Michel a mis sa voix de baryton lyrique à contribution.

Je n’ai pas le temps de détailler la manoeuvre ici (j’espère pouvoir le faire à l’occasion dans la rubrique « Jouer et apprendre » du [Site]), mais ça rendait pas trop mal. Nous étions sur un accord parfait de Do majeur, que j’ai sali avec un fa dièse. Puis, alors que nous cherchions une idée rythmique pour faire « groover » tout ça, j’ai eu l’idée de jouer le début de la musique des Simpsons (c’est la même harmonie) :

Imaginez ça avec un baryton qui beugle qu’il aime le Nutella par dessus... Très sympa, vraiment très très sympa.

Comment ça, « violation de droit d’auteur » ?

Valentin

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